Eros auprès de Socrate

24/03/2021

Aristophane, ce poète qui a disserté sur le thème de l'Eros auprès de Socrate nous rappelle l'historique de l'espèce humaine dans la mythologie grecque. Il décrit en détail les particularités de chacune des trois espèces de l'humanité, des espèces qui étaient toutes jumelées. Ainsi, l'espèce mâle qui tirait son origine du soleil est une espèce formée de deux corps masculins collés par le ventre avec deux visages, un seul cerveau, quatre pieds, quatre mains et des sexes masculins situés sur les dos. Une espèce féminine qui tirait son origine de la terre et qui est formée de deux corps féminins collés par le ventre, avec un seul cerveau, quatre pieds, quatre mains et deux visages. Enfin une espèce androgyne qui tirait son origine de la lune et qui est formée de deux corps dont l'un est masculin et l'autre féminin collés aussi par le ventre avec deux visages, quatre pieds et quatre mains et un seul cerveau.

Ces trois espèces qui vivaient en harmonie ont eu un jour le malheur de vouloir prétendre accéder à une connaissance céleste et à des mystères dont elles n'avaient pas encore requis les conditions intellectuelles et morales. Soumises au dictat de l'ambition, elles voulaient atteindre la cime de la gnose sans passer par les stations et les paliers qu'impose toute ascension vers la Lumière.

Un tel comportement à déclenché la foudre de Zeus, dieu des différentes divinités de la Nature qui a ainsi voulu punir ces trois espèces humaines pour avoir commis ce crime de lèse-majesté en les affaiblissant à jamais. Ainsi, il a laissé le soin à Jupiter de choisir le meilleur moyen de les punir et c'est ainsi qu'ils se sont retrouvés scindés en deux perdants ainsi la moitié de leurs facultés motrices et intellectuelles. Ces trois espèces ont faillit connaître leurs extinctions si Apollon n'était pas intervenu pour arranger les choses en mettant leurs sexes devant afin de permettre à chacune de ces trois espèces de retrouver sa moitié et de recouvrir ainsi l'unité de l'être primordial.

Ainsi, certaines femmes ont retrouvé leurs moitiés femmes, certains hommes ont retrouvé leurs moitiés hommes et certains femmes ont retrouvé leurs moitiés hommes et inversement. Comme vous l'aurez compris, il n'y a que l'espèce androgyne, celle qui est mixte qui a la faculté de procréer alors les autres qui ne sont pas mixtes n'ont le droit quant à elles que de s'aimer d'un amour qualifié de platonique, un amour purement céleste.

Permettez-moi à ce sujet d'exprimer une pensée qui pourrait répondre à une problématique actuelle en disant que si l'humanité d'aujourd'hui se met à méditer en profondeur un tel mythe fondateur, il n'y aurait plus de place à l'homophobie qui gangrène nos sociétés contemporaines car finalement, tout être à tendance finalement à s'unir à sa moitié qui lui faisait défaut jusqu'à présent tel Orphée qui a osé défier l'enfer du Hadès à la recherche de sa bien-aimée Eurydice qui n'est autre que sa Mémoire et sa Mnémosyne.

Ce mythe ô combien symbolique trace l'histoire d'un pêché originel qui ne diffère guère du pêché que décrivent les trois volumes de la Loi Sacrée des religions monothéistes. La vraie chute des espèces humaines traduit en réalité la volonté naturelle de puissance que décrivait si bien ce philosophe Nietzsche. L'homme à l'instar du lierre a cette volonté de puissance inscrite en lui qui le pousse à s'élever vers le ciel à la recherche de la Lumière quitte à déroger à certaines lois de la Nature et à subir les foudres qui le réduisent à vivre coupé de sa moitié. Par un tel comportement, il assume ainsi sa liberté de conscience, son libre arbitre et assume parfaitement ses responsabilités. Responsabilités que décrit le verset coranique 72 de la sourate "les partis" qui dit ceci :

" Nous avons proposé le dépôt aux cieux, à la terre et aux montagnes et ils ont refusé de l'assumer et nous avons été indulgent envers eux, alors que l'homme s'est proposé de lui-même de l'assumer, il a été en cela injuste et ignorant ".

Par une telle coupure en deux dont elle garde encore les stigmates par la présence de son nombril qui la reliait à sa moitié, l' espèce humaine nombriliste qu'elle est devenue par la suite, a tourné le dos à sa Mémoire originelle et à la volonté de puissance qui l'animait et qui faisait sa spécificité. Aujourd'hui, elle n'a gardé que le nom d'humanité en ayant botté en touche l'idée et l'essence même inscrits derrière le concept de l'espèce.

Zeus avait toujours menacé l'humanité par une dichotomie récurrente si elle continuait à ignorer ses devoirs envers les Lois de la Nature, dichotomie qui va la conduire in fine à un émiettement tel qu'elle ne pourra plus retrouver son unité et son harmonie primordiale. Le concept de la dichotomie avait préoccupé de près ce philosophe et ce mathématicien qu'était Zénon d'Élée qui faisait la joie de l'école Éléate, cette école qui prônait "l'Un" comme principe premier, école dont les fondateurs n'étaient autres que ces grands philosophes qu'étaient Xénophane et Parménide.

Zénon nous explique par ce paradoxe qui porte d'ailleurs son nom, comment doit proceder pour que recouvrir son unité de l'être une fois qu'il a subit toute une série de dichotomies successives.

Ainsi, l'homme qui suit la voie du divertissement à outrance et qui fini par oublier l'essence même de sa mission qui consiste à assumer ses devoirs que constituent ses propres composantes ontologiques, fini aussi par s'eparpiller dans le monde du consumérisme. Ainsi, cet homme fini par s'egarer de sa Mémoire originelle qui a cette puissance de lui assurer la potentialité de réunir en lui ce qui est épars et de reconstituer à nouveau son unité originelle qui traduit sa réelle Identité ontologique.

Identité que la mathématique nous rappelle à travers la fonction linéaire qui traduit le fait que notre image doit être à chaque instant identique à notre antécédent faisant ainsi de nos comportements quotidiens un parfait alignement avec notre origine primitive.

Identité à laquelle nous renvoie aussi la quadrature du cercle que nous à légué ce philosophe du "Noùs"et de l'Esprit qu'était le mathématicien Anaxagore, quadrature qui nous enseigne l'impossibilité du carré à recouvrir l'aire du cercle, quadrature qui symbolise aussi l'incapacité du terrestre à être à la hauteur du céleste. Incapacité que relève ce verset coranique de la Sourate "le Soleil" qui dit à propos de l'âme :

" Nous lui avons donné le choix entre l'éparpillement et l'unité ".

Un tel verset incite l'homme à purifier sa propre âme en lui permettant de recouvrir son unité et le met en garde contre cette dérive qui consiste à la corrompre et à la profaner.

Aristophane nous propose d'ailleurs la voie de l'amour comme voie d'excellence pour retrouver notre propre moitié afin de se réjouir des bienfaits de l'unité qui est le propre même de notre nature première.

En guise de conclusion, je dirai que l'homme qui cherche réellement la Vérité doit se saisir de tous les enseignements que prodiguent ces différentes traditions qu'elles soient poétiques, mythologiques, philosophiques ou rationnelles pour en dégager l'essence même qui les caractérisent, une essence qui semble être leurs convergence vers cette Vérité première que constitue l'unité de l'être.