L’Ethique Géométrique comme modèle de conduite pour l’homme.

24/03/2021

En lisant le livre " les multiples états de l'Être" de René Guenon, j'ai été saisi par la profondeur de l'enseignement que dégagent des concepts comme "les possibles", les "compossibles" et les impossibles.

Pour commencer, je vais donner un exemple de ces trois concepts pour les rendre ainsi explicite :

Ainsi lorsqu'on lance un dé,

- les possibles sont les nombres {1 ; 2 ; 3 ; 4 ; 5 ; 6} qui sont d'ailleurs tous équiprobables si le dé n'est pas pipé.

- Si on crée des critères supplémentaires, comme celui de la parité ou de la non parité, nous aurons respectivement les compossibles suivants {2 ; 4 ; 6} et {1 ; 3 ; 5}

- Par contre si on s'attend à obtenir le chiffre 7 par le lancer du dé alors nous serions devant un évènement impossible.

En laissant libre court à mon imagination - qui se veut avant tout créatrice pour reprendre le titre qu'Henry Corbin a donné à son livre sur le soufisme d'Ibn Arabi - j'ai voulu prendre de l'altitude et exercer la pensée qui doit caractériser tout homme qui veut échapper aux travers du monde de l'opinion et du consumérisme.

Au III è siècle avant Jésus-Christ naissait la géométrie euclidienne qui a été bâtie uniquement sur le cinquième postulat d'Euclide, un postulat qui est une sorte de vérité première qui s'apparente à un acte de foi. On peut dire sans rougir qu'une telle géométrie est à elle seule un véritable univers tellement elle compte en son sein une infinité d'êtres.

Avant d'aller plus loin et par des soucis pédagogiques, il m'a semblé opportun d'exposer à ceux qui l'ont oublié le contenu de cet axiome fondamental qui était à la genèse d'une telle géométrie. Euclide ce mathématicien qui avait réuni toutes les mathématiques qui l'ont précédé dans un ouvrage qu'il avait intitulé « les éléments » considère qu'à partir d'un point extérieur à une droite (d), on ne peut mener qu'une et unique droite (d') parallèle à la droite (d).

C'est grâce à ce postulat qui en premier abord parait anodin, que nous avons eu toute cette diversité de figures géométriques qui sont ici ce que nous appelons les possibles et qui parmi lesquels nous pouvons citer quelques exemples tels que le triangle, le carré, le rectangle, le cercle, etc.

De telles possibles que nous ne pouvons tous énumérés ici tellement la liste n'est pas exhaustive sont assujettis à des lois et à des propriétés qui sont intrinsèques et inhérentes à la Nature même de leurs figures. Des Lois et des propriétés qui relèvent de la transcendance que leurs confère le nombre qui est à Pythagore ce qu'est le monde des Idées est à Platon.

Régis par les nombres, ces figures géométriques ne sont en réalité que des « étants » et des manifestations des êtres qui président à leur existence et à leur destinée, des êtres qui se cachent en immanence en elles comme se cacherait l'esprit dans la matière. En réunissant en son sein toutes ces figures, la géométrie euclidienne édifie un monde qui a une dimension universelle qui garantit à chacune de ces figures la liberté de jouir entièrement de sa singularité et de vivre en harmonie avec les autres sans aucune velléité hégémonique.

Conscientes toutes d'être l'Emanation du cinquième postulat, ces figures savent pertinemment qu'elles ont une Identité originelle commune et universelle qui relève de la dimension de l'Être.

C'est par un exercice permanent du devoir de mémoire que de telles figures géométriques ont réussi à atteindre un tel degré de conscience. C'est par la réminiscence qu'elles ont gardé ce lien avec la matrice originelle qu'Orphée appelait Mnémosyne relativement au nom de sa grand-mère.

Compte tenu de leurs comportements, nous pouvons facilement conjecturer que de telles figures géométriques ont eu accès à la pensée de René Guénon qui prône la Tradition Primordiale. De même que nous pouvons convenir qu'elles ont certainement eu accès à la pensée d'Héraclite, celle qui prône que la concorde jaillit de la conjonction des opposés, celle qui considère que toute harmonie reste malgré tout assujettie aux aléas de l'éternel retour.

Eternel retour, celle cyclicité qui caractérise la Nature même de toute chose nous enseigne que l'ordre fini par céder place au désordre, que tout amour fini par laisser place à la haine et qu'en général toute chose en acte porte en elle en puissance son opposé qui n'attend que le moment opportun pour se manifester. C'est ainsi que la haine a réussi par l'usure à créer la zizanie entre les êtres géométriques et à prendre en otage un amour qui a n'a cessé toute une vie durant à tisser les liens de la concorde. Nous voilà donc désabusés devant ces remparts et ces forteresses que l'exclusion et la discrimination ont réussi par ériger en système.

Dans cette passation de pouvoir les êtres géométriques ont été contraints de s'exiler du monde de la liberté qui caractérise l'espace philosophique héraclitien de l'harmonie et de l'ordre et de rejoindre les mains liés le désordre et l'esclavage que représentent ces sous espaces disjoints qui reflètent la désunion, la consanguinité des semblables, sous espaces contre lesquels le philosophe Empédocle n'a cessé de nous mettre en garde.

Des concepts nouveaux tels que le communautarisme, l'intégration, le délit de faciès, la conformité, les identités, l'assimilation, la naturalisation et l'inquisition ont vu le jour reléguant ainsi l'éthique à des considérations purement esthétiques. C'est ainsi que la sagesse qui émane de l'être qui logiquement devait présider à tout dessein a été bannie et remplacée par une sorte d'ornement trompe l'œil.

Devant la doctrine de l'ennemi qui émane de l'intérieur, chacune des figures commence à tomber dans une sorte de schizophrénie sans précédent et se met à son tour à élaborer des stratégies de survie en consolidant ses propres remparts dans le but de se mettre à l'abri des volontés hégémoniques des unes et des autres figures qui jusqu'à hier étaient leurs semblables.

Le changement d'espace de vie commune induit forcément un changement de paradigme et c'est ainsi que la bascule s'est opérée du monde des possibles au monde des compossibles.

Cette théorie des compossibles a réveillé les démons de l'exclusion. C'est ainsi que le triangle a commencé à se méfier du carré qui lui-même a commencé à se méfier du cercle et ainsi de suite.

Méfiance dont le corollaire est cette volonté de chacune des figures de créer son monde propre à elle et de faire en sorte de survivre à la transition qui s'opère du mode originel, infini et sans parties vers un nouveau monde constitué de sous-mondes.

De tels sous mondes sont uniquement régis par des critères discriminatoires conduisant in fin à l'émiettement de l'Identité Absolue en plusieurs identités relatives dont nous parlait si bien l'écrivain Amin Maalouf.

Nous voilà donc devant les mondes des compossibles où priment l'égo, la discrimination et l'inquisition, mondes dont la purification est devenue une finalité en soi.

Dans ce climat devenu délétère, c'est bien le carré qui le premier avait lancé les hostilités. Il a été à vraie dire le déclencheur de ce mouvement de désunion qui l'a conduit par la suite à instaurer les bases susceptibles de lui conférer une certaine hégémonie sur ses ex-semblables. En élaborant donc ses propres critères et en les imposant par la suite, il a pu constituer son compossible rejetant de la sorte tous les êtres géométriques qui ne se pliaient pas à ses dictats.

Devant cette nouvelle donne et étant prises au dépourvue, toutes les autres figures n'ont eu de choix que de se soumettre aux exigences du carré et c'est ainsi qu'elles se sont mises à se courber l'échine, à entamer une descente aux enfers perdant ainsi petit à petit le restant de leurs dignités.

Le carré se sentant en confiance et attisé par la folie des grandeurs, il n'a pas hésité à

surenchérir en inventant un critère nouveau, celui d'avoir cette fois-ci des angles droits pour faire partie de son nouveau monde.

Que reste-t-il comme autre choix aux autres figures que d'assouvir la volonté du Maître Carré !

Si le rectangle a pu facilement répondre à cette nouvelle exigence, les autres figures se sont trouvées dans l'impossibilité de le faire. Mais comme il fallait absolument sauver les apparences, le triangle et le cercle ont adopté la politique de la dissimulation et c'est ainsi qu'ils se sont transformés respectivement en " triangle - carré" et en "cercle - carré " tout en étant conscients que de tels événements sont impossibles à leurs yeux comme l'est la possibilité d'avoir le nombre 7 en laçant un dé.

Alors du possible on est passé au compossible avant de sombrer dans l'impossible.

Condamnés à faire la négation d'eux-mêmes, ces figures qui ont perdu toute dignité ont fini un jour par se rebeller contre l'arbitraire. L'expression :" Chasser le naturel il revient au galop" est devenu leurs leitmotiv pour revenir à leur état initial.

Éclairés par la philosophie de Bergson qui stipule qu' :" Agir librement c'est prendre possession de soi ", ces figures ont décidé enfin d'agir et de prendre leur destin en main.

Il fallait donc à tout prix arrêter ce processus de surenchère surtout que le carré était en train de préparer une autre exigence que le cercle ne pouvait en aucun cas ni satisfaire ni accepter à savoir permettre à ce carré devenu Titan de réaliser sa quadrature.

Toutes ces allégories à propos des êtres géométriques pour ne pas dire ces êtres métaphoriques ne sont de ma part que - comme je l'avais signalé au tout début de mon travail - l'expression de l'imagination créatrice objet de toute élévation intellectuelle et morale. A l'instar de la fresque du peintre Raphaël qui symbolise la pensée antique avec un Platon qui lève la main vers le ciel quand Aristote la pointe vers le bas, je voulais faire l'analogie entre l'être géométrique que symboliserait Platon et l'être humain que symboliserait Aristote.

En réalité, c'est l'être humain vidé de son être et qui n'a gardé de l'humain que le corps et l'habitacle qui a voulu jouer à l'apprenti sorcier en cédant aux chants des sirènes de Protagoras, ce sophiste qui disait que « l'homme est la mesure de toutes choses ». C'est bien ce semblant d'homme qui a perdu tout sens de la mesure et qui a voulu défier les divinités en imitant les Titans que décrit si bien la mythologie grecque alors que cet ersatz d'homme n'arrivait même pas à s'extraire de la pesanteur qui n'est qu'une parmi les multiples lois de la Nature.

L' « être » arrogant pour ne pas dire l' «étant » qui a établi demeure dans le monde physique, qui s'est égaré dans l'immensité de l'infini mathématique que représente le nombre et qui a tourné le dos à tout ce qui est ontologique, a voulu s'attaquer à ce qui le dépasse et à ce qui lui est totalement hermétique à savoir l'Infini Métaphysique.

La métaphore relative à la géométrie peut nous renseigner sur l'ampleur de la dérive de cet être singulier qui a voulu se prendre pour un démiurge et occulter le transcendant.

Que dirait Plotin s'il voyait une telle dérive de cet être qui s'est égaré dans son propre exil ? Plotin qui à travers sa philosophie de l'Emanation voulait nous transmettre la noble idée selon laquelle tout être portait en lui en immanence l'étincelle intelligible de l' « UN », étincelle que nous nommons communément la Gnose ou la Lumière.

Oui le carré aurait dû méditer sur une telle philosophie de l'être en prenant conscience que sa figure n'est qu'une coquille vide tant qu'il ignorait l'essence même qui lui donne l'existence. Essence qui lui vient de l'UN qui n'est autre ici que ce cinquième postulat d'Euclide. Essence qui lui a été transmise dans un passé originel et qu'il devait transmettre à son tour vers l'avenir s'il avait accédé à sa propre conscience. Car que serait son existence - que l'étymologie renvoi à l'idée de vivre « en dehors de Soi » - s'il continue à occulter l'être qui justifie même sa propre existence.

Oui la philosophie de Plotin nous décrit en détail le processus de l'Emanation. Ainsi de l'Un émane l'Intellect, de l'Intellect émane l'Âme du monde et enfin de l'Âme du monde émane la matière. Autrement dit dans tout ce processus de l'émanation l'esprit de l'Un se trouve dans toutes les hypostases inférieures. Ainsi, l'Intellect qui se trouve dans l'Ame se trouve aussi dans la matière. Par conséquent, l'être qui est une sorte d'intellect ne peut en aucun cas être dissocié de la matière et de l'étant sinon ce serait la porte ouverte à l'égarement.

Un tel processus de l'émanation est nommé par Plotin la procession dont le chemin inverse est celui de la conversion qui permet à la matière de remonter par étapes successive en passant d'abord par l'Âme du monde puis par l'Intellect avant de contempler le Principe Premier.

Une telle philosophie s'apparente parfaitement à la pensée hermétique d'Hermès le Trismégiste qui considère que « ce qui est en bas est comme ce qui en haut et ce qui est en haut est comme ce qui est en bas pour faire les miracles d'une même chose ».

Une telle philosophie s'apparente aussi à la pensée du philosophe Héraclite qui stipule que : « la route qui monte et qui descend est la même ».

Remonter les hypostases l'une après l'autre en se saisissant du guide qui se trouve être ici l'Intellect c'est prendre ce chemin de la rectitude morale qui mène aux différent états de l'être dont nous parle à juste titre René Guénon.

Comme vous l'aurez compris, le carré a occulté un tel processus immanentiste et a préféré se détacher de la source ce qui explique son égarement qu'exprime sa volonté hégémonique. Il a complètement oublié l'adage qui dit que « c'est grâce à la lumière du passé qu'on se dirige vers les ténèbres de l'avenir », sachant que la lumière dont il s'agit ici n'est autre que la lumière qui émane de l'être.

Il faut savoir que la philosophie de Plotin non seulement elle exclue toute volonté d'hégémonie d'une hypostase sur l'autre mais en plus de cela elle condamne toute démarche qui remet en question l'ordre préétabli.

En se comportant ainsi, le carré a montré ses limites en ignorant l'enseignement que devrait lui prodiguer la maxime Delphique du « Connais-toi toi-même ». Epris uniquement par son côté narcissique qui lui vient certainement de ses quatre angles droits et de ses quatre côtés égaux, le carré a préféré l'esthétique que lui procure sa définition à l'éthique que lui confère les principes ontologiques qui sont inhérents à sa propre figure.

Voilà le labyrinthe où mènent les velléités hégémoniques ! Labyrinthe qui a été tracé par Dédale ce personnage de la mythologie grecque inventeur de l'Equerre qui par jalousie a précipité son neveu Talos du haut d'une falaise pour la simple raison qu'il ait inventé le compas. Dans cette mythologie on remarque comment le triangle rectangle a été touché dans son amour propre jusqu'au point de vouloir anéantir le cercle.

Au lieu que la carré ne se contente de se conformer à l'enseignement de la maxime de Platon qui était écrite sur le fronton de son Académie à Athènes à savoir que : « Nul n'entre ici s'il n'est géomètre », il a inventé une sorte de compossible qui stipule que « Nul n'entre ici s'il n'est un carré » ! Ainsi en abandonnant la maxime qui se réfère à l'intellect universel qui est le propre de chaque figure géométrique et de tous les possibles, le carré a préféré inventer un ersatz de maxime discriminatoire qui crée des compossibles.

Leibniz disait que : " Nous vivons dans le meilleur des mondes possibles ". Or si par le mot "mondes" ce philosophe voulait dire "l'univers qui renferme tous les possibles", alors sa citation n'est autre qu'une tautologie. Par contre s'il voulait dire par "mondes" uniquement l'univers des compossibles alors on se retrouve dans ce cas-là devant une absurdité car affirmer cela reviendrait à décréter que les autres possibles qui ne remplissent pas les critères des compossibles n'ont plus le droit à l'existence. Quand nous disons que :" Nous voulons vivre dans un monde meilleur ", en réalité et sans nous rendre compte, nous créons forcément des compossibles et donc de l'exclusion.

" Apprendre c'est se souvenir " nous dit le philosophe Socrate. Ainsi l'acte de se souvenir s'avère être la voie par excellence pour remonter à la connaissance originelle. Connaissance qui est d'ailleurs immanente à toute entité de la Nature sous le nom de Physis. Ainsi, en tant que possibles, nous n'avons pas à réinventer un autre mode de vie qui serait régit par tels ou tels compossibles. Il nous suffit en tant que possibles de nous fier à notre nature même qui porte en elle les stigmates de la métaphysique et de l'ontologie.

D'ailleurs, il nous suffit d'observer autour de nous le comportement de la Nature pour comprendre que nulle conversion nous est ni demandée ni imposée par quiconque pour exercer notre libre arbitre et mener une vie libre et digne.

En exerçant donc notre devoir de mémoire, nous pouvons apprendre que la seule vie qui vaille est celle qui consiste à " vivre selon la Nature" comme l'avait d'ailleurs décrétée la pensée stoïque. L'homme doit prendre conscience que dans l'univers il y a différents modes d'existence et que chacun de ces modes a ses caractéristiques propres qui sont inhérentes à sa nature même. La question qui me taraude l'esprit est de savoir comment l'homme a pu concevoir l'absurde en créant le concept de "lutter pour l'existence " sachant qu'une telle conception offense et l'intelligible et la métaphysique ?

Ne suffit-il pas enfin à l'homme de méditer juste un instant sur le cinquième postulat d'Euclide pour s'apercevoir que c'est grâce à ce point qui se trouvait à l'extérieur de la droite - et par conséquent quia été réfractaire à l'alignement avec les autres - qui se trouve à l'origine même du principe qui régit toute la géométrie euclidienne ?

Sans ce point qui a refusé de se soumettre au dictat de la conformité par l'alignement avec les autres points de la droite, on n'aurait eu ni le postulat en question ni la géométrie qui en découle.

Vous comprendrez donc par une telle démonstration que le point réfractaire est bel et bien une réalité même si il n'est qu'un « possible ». Delà à le considérer comme un "rien" ou comme un « impossible » serait une totale aberration. Par conséquent, toute doctrine qui serait fondée sur des concepts assimilationnistes et qui remettrait en cause l'intelligibilité d'un « être » aussi isolé soit-il ne serait en acte qu'une doctrine négationniste.

Pour pousser les choses encore plus loin, il faut savoir qu'il y'a des possibles qui ne peuvent absolument pas répondre aux critères fixés par certains compossibles. Par exemple, supposons qu'un possible décide de prendre "l'étendue " comme un critère de constitution d'un compossible au sein de l'univers tout entier. Un tel compossible pourrait-il alors à votre avis empêcher le possible "intellect ou pensée " qui a la caractéristique d'être une substance subtile d'exister dans un tel univers ?

Comment le corps humain devrait-il alors procéder pour mettre en dehors de lui cet Intellect qui lui est immanent et qui n'a pas détendue ? Autrement dit, peut-on envisager un "'étant " qui a la capacité d'échapper à " l'être " qui lui donne tout le sens de son existence ? Nous pouvons donc conclure que l'être existe au-delà même de la modalité corporelle dans notre individualité humaine.

Dans cette imagination qui se voulait créatrice, je me suis contenté à n'utiliser qu'un degré de liberté en ne voyant que le comportement du carré. Je vous laisse alors deviner ce que serait devenue la géométrie euclidienne si chacune des figures, si chacun des possibles avait décidé de construire ses propres compossibles ! Du chaos, vous allez me dire ! Et vous aurez bien sur raison.

Comme le dit l'expression utilisée dans les films : « Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé est purement fortuite ». C'est-à-dire que « tout ce qui est dit ici à propos des êtres géométriques n'est que fiction ». Car ces « êtres » qui sont par leurs essences tous des intelligibles ne peuvent en aucun participer ni à l'exclusion ni à l'hégémonie ni à l'inquisition ni à autre chose qui relève du vulgaire.

Par conséquent une telle métaphore qui se veut le fruit de l'imagination créatrice m'oblige à reconnaître que les figures géométriques qui sont tous ici des événements possibles sont des évènements équiprobables dont l'événement compossible ou impossible est un évènement incertain c'est-à-dire dont la probabilité d'existence est nulle.

Par un procédé analogique il me semble intéressant de soumettre l'homme à l'examen de conscience que nous venons de faire subir à l'être géométrique. Car de par sa constitution binaire, l'homme est formé d'un étant qui est son corps et d'un intellect qui est son être et son identité même selon Aristote.

Vous conviendrez avec moi que tout ce qui a été dit sur le carré peut être dit de certains hommes qui jouent aux apprentis sorciers qui essayent de changer les composantes ontologiques et la Nature même de leurs semblables. Autant les mots assimilation, inquisition, contrôle, transfiguration, dictats et soumission sont des mots bannis dans l'espace de la géométrie euclidienne autant ils ont une réalité sensible dans l'espace des êtres humains.

De tels mots ne doivent être en aucun cas pris pour des idées car ils ne sont purement et simplement que des opinions qui aspirent à transformer les possibles naturels en compossibles et enfin en impossibles illusoires. Car vouloir tenter à autrui en le poussant à se renier en tant qu'être, c'est tout simplement vouloir tenter à sa vie et à sa liberté naturelle.

L'homme qui a réussi à dénaturer la nature en créant des organismes génétiquement modifiés qui vont tôt ou tard lui nuire ne va pas s'arrêter en si bon chemin. Poussé par son ignorance avérée, il va essayer de reproduire les mêmes travers au sein même de ses semblables. En cela, il aura à son tour succombé aux chants des sirènes qui ont conduits Orphée à l'égarement. En cela, il n'aura pas aidé le philosophe Diogène de Sinope à résoudre son énigme, celle qui consistait à trouver l'Homme.

A vouloir à tout prix changer l'homme et l'assujettir à ses propres besoins changeants, on ne peut au mieux que maquiller son « étant » mais en aucun cas dénaturer sa nature profonde qu'il a hérité des lois de la Nature. Car comme le dit l'adage : « chasser le naturel il revient au galop ».

Il est temps que l'homme revienne aux enseignements de la philosophie antique, aux doctrines alchimiques et hermétistes - et la liste n'est pas exhaustive - pour recréer les liens qu'il a perdus avec la Nature et devenir à nouveau Co-nature avec elle.

« Vivre selon la Nature" était la devise de la philosophie stoïque. Il ne tient qu'à l'homme de s'en inspirer pour retrouver sa vraie liberté et par conséquent œuvrer à promouvoir la liberté des autres comme le préconise la philosophie de Simone de Beauvoir.

Il est temps pour l'homme de redevenir cet être intelligible à l'instar de l'être géométrique qui a bien saisi sa dimension universelle. Si Pythagore a construit sa philosophie sur le nombre qui est l'interface entre la physique et la métaphysique en décrétant que « Tout est nombre », alors à son tour l'homme doit s'éveiller à sa conscience et saisir sa dimension intelligible qui lui vient aussi du nombre. Malheureusement au lieu que l'homme comprenne que le nombre relève de la qualité, il s'est perdu dans le règne de la quantité dont nous parlit si bien René Guénon.

C'est ainsi que le basculement s'est opéré de l'éthique immanente à l'intelligibilité de l'être à l'esthétique de l' « étant » dont le seul objectif est de briller d'un éclat trompeur. C'est ainsi que la matérialité a enfin pris le dessus sur l'esprit qui est supposé présider à l'édification de l'homme au sens de Diogène de Sinope.

Avec une telle dérive, il n'est pas surprenant de voir l'homme abandonner sa vraie Identité Absolu pour endosser des identités relatives et changeantes au gré du temps et de l'histoire. Les mathématiques ont cette vertu de bien définir les choses. Ainsi cette discipline disciplinée a défini l'identité en des termes tellement profonds que le commun des mortels n'y voit que du feu pour ne pas dire plutôt de l'obscurité.

La fonction identité est la fonction notée f tel que l'image du nombre x est f(x). Autrement dit l'identité traduit le fait que l'image d'une entité n'est autre que l'antécédent de cette même entité. De même il se trouve que tous les points qui répondent à cette définition se voient alignés les uns avec les autres et constituent ensemble une droite qui peut représenter ce que nous entendons par rectitude moral. Qu'attendons-nous alors pour faire en sorte que notre image soit conforme à notre antécédent et que l'on rende enfin conforme l'homme que nous sommes avec l'homme ontologique que nous étions.

En guise de conclusion, je vais me référer à un philosophe que j'apprécie beaucoup qui est Parménide, ce penseur de la permanence de l'être, cet aède dont la poésie était d'inspiration céleste disait : « l'être est, le non-être n'est pas ». Une telle maxime sonne à elle seule comme une philosophie de libération de l'homme de l'emprise de tout ce qui arbitraire. Une telle philosophie sonne le glas de tout ce qui est en devenir comme l'est « l'étant » et promeut le permanent à savoir l'essence de l'être. Un être dont l'étymologie ne signifie pas autre chose que « ce qui a été, ce qui est et ce qui adviendra ».