La culture et la civilisation

24/03/2021

Jacques Berque aborde ce sujet avec une grande pertinence. Ce penseur considère que le mot culture ( الثقافة) diffère totalement du mot civilisation (الحضارة).

Dans les pays arabo-musulmans, on considère que l'homme cultivé est celui qui a tourné le dos à sa propre tradition, à sa propre civilisation et qui s'est exilé pour recevoir et s'élever dans une civilisation qui n'est pas la sienne.

Une telle démarche est souvent animée par un appat de gain en termes d'appartenance à une certaine élite et intelligentsia.

Quant à celui qui est resté chez lui dans son propre pays et qui a atteint des degrés très élevés d'érudition ne peut bénéficier de cette "appellation contrôlée" "d'homme cultivé". Au mieux on dira de lui qu'il est devenu un jurisconsulte, un théologien ou un homme de littérature.

Ainsi, le mot "culture" est devenu un critère qui discrimine et qui sépare le bas de la pyramide de son sommet. Un sommet qui abritera cet élite parmi les élites juste par son accession à une langue ou plusieurs langues étrangères auxquelles le commun des mortels n'a pas pu avoir accès.

Or l'histoire contemporaine nous montre à quel point cette catégorie d'élite se trouve marginalisée et en quelque sorte exilée à la fois de son milieu d'adoption et de son propre milieu géniteur.

Vouloir à tout prix se distinguer quitte à se couper de ses propres racines est l'une des plus grandes erreurs que l'homme peut commettre vis à vis de lui-même.

En procédant ainsi, il risque de reduire sa vie à une question d'existance à défaut de l'élever au rang le plus élevé qui est celui de l'être car comme le dit di bien l'expression : "ce n'est pas l'habit qui fait le moine".

Vouloir à tout prix sortir de son propre domaine de définition c'est s'exposer in fine à devenir une forme indéterminée à la fois pour les uns et pour les autres, une forme indéterminée que peut résumer la maxime "avoir le cul entre deux chaises ".

Ainsi l'homme civilisé est bel et bien cet homme qui pousse dans le terreau de sa propre civilisation dont il est le fruit et l'Emanation même pour que par la suite il peut s'il le souhaite s'ouvrir sur les traditions et les civilisations d'autrui. Car comme nous le savons bien :" pour savoir où on va il faut d'abord savoir d'où l'on vient "

C'est ainsi que l'homme dit "cultivé " subit une double peine, celle de se retrouver exilé à la fois dans sa matrice d'adoption et dans la matrice même qui lui a donné naissance.

Jacques Berque nous dit que si l'homme était réellement civilisé, il n'aurait pour rien au monde abandonné ses propres composantes ontologiques pour aller squatter celles des autres.

Un tel danger guette aussi notre société marocaine dont une catégorie d'élite financière persiste à envoyer sa progéniture dans des établissements privés en vue de de faire partie de cette élite soit disant cultivée mais qui malheureusement est devenue inculturée.

Il est plus qu'urgent pour l'Education Nationale Marocaine de mettre fin à une telle dérive en instaurant des programmes adaptés à ce qui fonde l'identité du pays et promouvoir enfin toute cette richesse de savoirs qui nous vient des savants qui ont fait la gloire d'un passé assez proche, une richesse qui nous vient d'un passé si proche et que nous avons tout fait pour qu'elle ne tende plus vers l'avenir.

Un tel sujet conforte l'idée selon laquelle l'universel réside bel et bien en chacun de nous sous forme de connaissance qui n'est que ce que René Guénon appelle la Tradition Primordiale qui se trouve l'Identité par excellence de toute l'humanité.

"Connais-toi toi-même et tu connaîtras l'univers et les dieux " cette maxime Delphique semble à mon sens être la voie par excellence que l'homme doit emprunter pour cheminer vers l'Uni-vers-El.

Mohammed EL KHOUROUJ.