La rectitude morale dans la tradition philosophique et théologique

24/03/2021

Si le philosophe de l'Ionie Héraclite nous dit qu':" on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve " pour nous informer que rien n'est constant, que tout est changement perpétuel, le philosophe de l'école Eléate Parménide quant à lui prône la philosophie de la constance celle de l'être qui étymologiquement signifie que cet être était par le passé, qui dans le présent est et qui dans le futur sera.

Ainsi, nous pouvons déduire de ce qui vient d'être dit que d'un côté, nous avons un Héraclite qui prône l'idée d'un homme qui serait en devenir et de l'autre côté un Parménide qui fait la promotion d'un homme qui ne fait que se rapprocher du caractère immuable de son être qui le fonde.

Ce qui est intéressant à mon sens dans l'idée de l'homme en devenir c'est la perspective qu'elle ouvre en termes de perfectionnement intellectuel et moral. Ainsi dans une telle philosophie, l'homme se trouve en perpétuelle recherche de l'Homme primordial qu'il est sensé être au sens de Diogène de Cinope, ce philosophe de la pensée cynique qui passait son temps à sillonner les rues de sa cité avec la lanterne à la main à la recherche de ce qu'il appelait "l'Homme".

L'homme en devenir est une idée séduisante dans la mesure où elle confirme la présence en nous de la potentialité du libre arbitre, potentialité qui nous responsabilise face à nos propres actes. L'homme en devenir serait tel ce pendule qui oscille au gré de la résistance de l'air et dont l'amplitude diminue au fur et à mesure que le temps passe à la recherche de cet équilibre qui traduit le principe physique de la moindre énergie.

Ainsi, la moindre énergie correspondrait à la position où le pendule-homme trouve son harmonie et sa verticalité, soumis qu'il est comme toute chose à cette Loi Universelle que représente la Gravité. C'est comme cela que j'interprète cette idée de la rectitude morale qui est selon la philosophie d'Héraclite un retour et une converion de l'homme à sa source primordiale, conversion où la cause finale coïnciderait avec la cause efficiente. Une telle philosophie héraclitienne est une philosophie qui n'est surtout pas une philosophie de la linéarité mais plutôt une philosophie de la cyclicité où " le Premier qui est aussi le Dernier" se rejoingnent pour définir à eux deux l'idée de l'unité nommée en arabe :" Al Ahadia"

Ainsi comme je viens de le décrire, la rectitude morale n'est surtout pas à envisager comme une droite au sens mathématique du terme car la trajectoire de l'homme n'est pas à mettre en parallèle avec l'alignement que constitueraient les points formant une telle droite. Non, le parcours de l'homme est en soi un parcours chaotique malgré son degré de sagesse et malgré sa rationalité débordante qui guide sa vie car comme le conçoivent les stoïciens, l'homme ne peut vivre que selon la nature dans la mesure où il y a des choses qui dépendent de lui et de l'exercice de son libre arbitre et d'autres qu'il subit par une entité abstraite qui le transcende.

Quant à la pensée de Parménide en rapport avec la rectitude morale, ce dernier l'envisage selon cette Pour cette maxime qui à elle seule résume sa philosophie, maxime selon laquelle " l'être est et le non-être n'est pas ". Selon ce philosophe, la Loi de la rectitude morale serait celle où chacun de nous est censé oeuvrer afin d'atteindre son propre être, cette entité qui se trouve être notre propre essence. Une telle voie de l'être a été explicitée par le philosophe Heidegger qui nous précise le cheminement à suivre pour atteindre cet être en question en usant de nos propres composantes ontologiques à savoir la composante de la phénoménologie qui nous permet d'appréhender l'être à partir des phénomènes, la composante de la compréhension des choses et enfin la composante de ce qu'il appelle le Logos Originel qui s'apparente à l'Intellect Agent cher à Aristote. Pour Parménide, la Loi de rectitude morale serait cette Loi qui nous est immanente, une Loi qui serait une sorte de dépôt originel enfoui dans notre propre être tel un dépôt que nous devrions aller chercher dans une sorte de descente aux enfers de notre propre Hadès tel Orphée à la recherche de sa bien-aimée Eurydice. Cette Loi qu'on pourrait d'ailleurs identifier à la Tradition Universelle, à l'innée et à ce que la tradition coranique appelle la Fitra.

A ce propos, un verset coranique nous parle de "Milat IBRAHIM ", pour nous indiquer la voie d'Abraham a dû emprunter, lui qui a pu atteindre le degré le plus ultime de l'initiation à savoir celui de la Certitude :" Abraham à été parmi ceux qui ont atteint la Certitude " nous dit le texte coranique. " ابراهيم كان من الموقنين"

Or le terme "Milat" vient du verbe "Maala" qui signifie " pencher vers ".

Ainsi la voie d'Abraham est un virage opéré par rapport à ses prédécesseurs qui eux mêmes se sont écartés de la voie de la voie de la rectitude. Ainsi, Abraham aurait d'après la tradition islamique pris cette voie du virage pour rectifier le virage entrepris avant lui pour in fine retrouver la voie initiale et initiatique que représente la voie dite de la rectitude morale. C'est en rectifiant le pas que ce prophète de l'islam au sens Primordiale du terme s'est enfin remis sur le droit chemin que le Coran nomme " Assirat Al Moustaquim".

Ainsi, comme vous l'aurez compris, la voie de droiture n'est pas une voie linéaire mais plutôt une oscillation autour de cette ligne fictive et difficile à concevoir et à percevoir tellement elle nous restera à jamais indescriptible. je dirai que la quête de la rectitude morale reste une quête utopique et purement asymptotique pour tout cheminant sur la voie de la connaissance et de la Vérité. Comme le dit si bien Démocrite, " La Vérité est au fond du puits ". Par conséquent seule la verticalité de la lumière a ce pouvoir d'éclairer ce puits de ténèbres que symbolise la condition humaine.

En guise de conclusion, je dirai ceci :

Comme tout commun des mortels, je reste convaincu que seule la volonté de me perfectionner associée à ce mouvement ondulatoire qui anime mon être, constituent pour moi la voie idéale qui est susceptible de transformer cette particule matérielle je suis en une onde immatérielle que tends à devenir.