La Science de la Balance

23/03/2021

L'empirisme est une doctrine philosophique qui considère que l'origine de la connaissance humaine ne provient que de l'expérience sensible et de l'observation. Autrement dit, d'après cette doctrine, nos sens seraient à la source de toutes nos connaissances. Ainsi l'empirisme se définit en opposition au rationalisme et à l'innéisme à savoir la théorie des idées innées dans notre esprit.

Ce mouvement empiriste qui a pris naissance au XVI ème siècle et qui parmi ses fondamenteurs on trouve des penseurs tels Francis Bacon, John Locke, Condillac, George Berkeley et David Hume considère qu'avant de connaître la nature des choses, il est impératif de se débarrasser de nos préjugés et de tout soumettre ainsi à l'épreuve par l'expérience.

Aujourd'hui lors d'une balade qui m'a conduit de l'arc du triomphe au jardin des Tuileries je n'ai cessé de réfléchir comme à l'accoutumée à des sujets qui relèvent du monde des Idées cher au philosophe Platon.

Fatigué par la marche, je m'assois un instant sur un banc pour me reposer avant de poursuivre ma promenade.

Toujours perdu dans mes pensées, un pigeon s'est approché de moi jusqu'à toucher mes pieds en toute confiance. A cet instant une inversion s'est opérée en moi et de manière spontanée et me voilà entrain d'observer la scène qui se déroulait devant mes yeux et qui m'a projeté dans le monde sensible cher au philosophe Aristote.

Une telle permutation du monde de la pensée pure au monde de l'empirisme m'a rappelé ce tableau de Raphaël du XVI ème siècle qui représente Platon et Aristote de bouts côte à côte , le premier levant son index vers le ciel pour signifier que la Vérité est de l'ordre des idées pendant que le second pointant son index vers la terre pour dire que la Vérité relève plutôt du monde sensible à savoir celui de nos cinq sens.

Interrogatif sur le comportement de ce pigeon qui venait picorer autour de mes pieds, j'entends brusquement une voix d'une dame dans mon dos qui me dit que ce pigeon l'attendait toujours à la même heure pour recevoir d'elle de la nourriture.

Me revoilà à nouveau sur le chemin de l'ascension vers le monde des Idées afin de rendre intelligible cette expérience que je viens de vivre.

Reposé de ma fatigue, j'ai décidé de poursuivre ma promenade au milieu de cette végétation luxuriante du jardin des Tuileries. Devant le château du Louvre où j'ai pu prendre place sur un banc confortable pour contempler cette beauté d'architecture er au milieu de ce silence majestueux digne d'une cathédrale je me suis cru un instant le maître des lieux!

Perdu dans mes méditations un autre pigeon s'est approché de moi pour picorer les quelques miettes laissées par des gens qui viennent casser leurs croûtes dans cet endroit magnifique.

A cet instant précis je n'ai pas pu m'empêcher de penser à la maxime de Protagoras qui disait que :" l'homme est la mesure de toutes choses ", maxime que j'ai d'ailleurs toujours réfuté pour des raisons que je n'ai pas le temps de développer ici.

En pensant à cette maxime je me suis dit que j'aurais pu partagé son enseignement si à la place de l'homme il avait mis animal c'est à dire s'il avait plutôt dit que :"l'animal est la mesure de toutes choses ".

Je pense que ceux qui ont pu lire "le quantique des quantiques" de Salomon ou "le Langage des oiseaux" de Farid Dîn Attar comprendront facilement ce que je viens d'incinuer à savoir que le Langage des oiseaux mène à la connaissance ultime.

Autrement dit, ce que je voulais dire c'est que ce n'était pas moi qui était le plus qualifié pour porter un jugement sur l'attitude de ce pigeon mais c'était plutôt lui avait la potentialité de porter un jugement sur moi. Il savait pertinemment qu' en s'approchant de moi ou de mes voisins il n'avait pas à craindre pour sa vie.

Ainsi la Science de la Balance qui puise son essence dans l'alchimie de Zosime et de Jabir Ibn Hayyan mais aussi dans l'hermétisme d'Hermès le Trismegiste n'est forcément pas l'apanage de l'homme qui est resté profane par son ignorance de la Nature et par son manque d'éthique en acte dans la cité. Une telle Science relève plutôt d'un langage universel que seuls les oiseaux ont le secret et à leurs têtes le Simorgh qui en est leur figure emblématique.

Par une telle expérience du monde sensible j'ai pu conjecturer pour ne pas dire démontrer qu'on ne mesure pas le degré d'une civilisation à l'aune des fréquences des pratiques religieuses souvent fallacieuses mais plutôt par une certaine éthique en acte dans la cité que seule une poignée d'humains qui ont eu ce privilège d'accéder à leur humanité détient les tenants et aboutissants.

Effectivement cette simple expérience a chamboulé ma pensée et je me suis dit : " pourquoi les musulmans qui pratiquent cette belle religion n'ont pas su accéder à son essence alors que le texte coranique foisonne de Sourates dédiées aux animaux parmi lesquelles on trouve d'ailleurs :

1- La Sourate Al Baqara (la Vache ) qui est la plus longue des Sourates et qui se réfère à la Vache qui selon qu'elle est maigre ou grace symbolise respectivement les années de crise et d'opulence. A ce propos, il n'y a qu'à regarder l'état de la Vache chez nous pour connaître notre situation économique.

2- La Sourate "les Fourmis " où ces dernières figurent l'exemple même de la sensibilité puisqu'elles arrivent à détecter l'imminence du danger. Ainsi dans cette Sourate les fourmis ont lancé l'alerte à leurs semblables pour rejoindre leurs abris afin qu'elles ne soient pas écrasées par Salomon et son armée.

3- La Sourate " les Abeilles qui ont cette capacité de butiner les différentes fleurs et d'en faire ce miel qui a la potentialité de panser les plaies et de guérir les blessures.

Tel le prophète Mohammed, les Abeilles ont reçu aussi à leurs tour la Révélation.

4- La Sourate "l'Araignée ": Araignée qui a la particularité de tisser une toile tellement fragile qu'elle ne peut garantir une quelconque sécurité. Ainsi pour le Coran, la toile de l'Araignée symbolise la fragilité de la foi.

5- La Sourate "l'Éléphant" où ce dernier symbolise la force qu'il faut relativiser devant l'ampleur de la force divine.

Enfin, il faut rappeler que d'autres sourates

évoquent aussi des animaux telle que la Sourate "l'Enveloppante" où le divin met en parallèle le chameau, les cieux, les montagnes et la terre.

Ainsi les versets 17 à 20 de cette même sourate disent ceci :

" Ne considèrent-ils donc pas comment les chameaux ont été créés et le ciel comment il a été élevé et les montagnes comment elles ont été dressée et la terre comment elle a été nivelée ?

Alors et devant ces multiples références du texte coranique aux animaux, il me semble qu' il est un devoir pour tout musulman digne de ce nom de se poser les questions qui s'imposent d'elles-mêmes :

- Comment se fait-il alors que malgré ce tohu bohu qui émane de la religion musulmane, nous n'avons toujours pas su tirer les vrais enseignements du texte coranique en terme de respect des animaux ?

- N'est-il pas judicieux de considérer que le philosophe Tunisien Youssef Saddik avait bien raison lorsqu'il qu'il a intitulé son livre : "Nous n'avons jamais lu le Coran"?

- Comment se fait-il que dans nos sociétés musulmanes nous persistons encore à mal traiter les animaux alors que leurs langage semble être plus universel que le notre et qu'il est synonyme même de la Connaissance ?

- Comment se fait-il qu'à chaque fois qu'on approche un animal dans nos sociétés qui baignent dans la religiosité, cet animal soit il nous regarde de travers soit il se sauve ?

- Comment expliquer que nos grandes insultes se réfèrent souvent aux animaux?

Ainsi pour abaisser quelqu'un on lui dit :" Espèce d'âne, espère de chien, espère de singe ou espèce de mule "?

- Pouvons nous persister à penser comme Protagoras que " l'homme est la mesure de toutes choses " où plutôt admettre à la lumière des versets cités ci-dessus que c'est plutôt :" l'animal qui est la mesure de toutes choses "?

Je pense sincèrement que le verset 67 de la Sourate la repentance et le verset 11 de la Sourate le Tonnerre s'adressent à notre "communauté " lorsqu'il disent respectivement ceci:

- "Les hypocrites appartiennent les uns aux autres. Ils commandent le blâmable, interdisent le convenable, et replient leurs mains (d'avarice). Ils ont oublié Dieu et Il les a alors oubliés. En vérité, les hypocrites sont les pervers."

- "En vérité, Dieu ne modifie point l'état d'un peuple, tant que les [individus qui le composent] ne modifient pas ce qui est en eux-mêmes".

Cela va faire bientôt 14 siècles que nous pratiquons cette religion de manière superficielle et intéressée jusqu'au point d'occulter son essence même.

Nous agissons tels ces Titans de la mythologie grecque qui ont voulu détrôner Dieu car par nos comportements puériles qui vont à l'encontre de telles préceptes du texte coranique nous avons fait de la pensée de Nietzsche une réalité lorsqu'il disait que "Dieu est mort".

"Nous avons fait de vous des Nations et des Tribus pour que vous vous entre-connaissiez" nous dit le verset 13 de la Sourate les appartements. Par conséquent, il est un devoir pour le musulman de connaître les us, coutumes et attitudes de ses voisins pour pouvoir aussi se connaître lui-même.

Et c'est dans ce sens que j'ai osé écrire cet article car je voulais à mon niveau dire que lors de mes voyages je me regarde dans l'autre tel un miroir qui me renvoie ma propre image.

Dans cette balade qui au départ s'annonçait anodine, j'ai par l'observation et à l'instar de la pensée empirique pu mesurer le chemin qui me reste à parcourir pour qu'à mon tour je puisse enfin prétendre être quelqu'un de civilisé.

Comme je l'ai dit plus haut on ne peut désormais mesurer le degré d'une civilisation à l'aune de la pratique religieuse mais plutôt par l'éthique en acte observée sur le terrain de la réalité.

Arrêtons donc de nous gargariser de telles ou telles avancées. Ce ne sont pas les progrès que nous avons réalisé en termes de route, d'autoroute, de TGV, de tramway et j'en passe et des meilleurs que nous pouvons prétendre avoir fait un pas sur la voie de la civilisation car à côté de ces apparences il faut avouer que nous vivons dans un chaos qui nous ruiné au quotidien.

Arrêtons cette fierté à deux balles et posons nous les vraies questions. Comment se fait-il quexchez nous il n'y a de respect ni pour la femme ni pour l'homme ni pour l'animal ni pour le végétal ni même pour le minéral ?

En guise de conclusion, je dois dire que je dois une fière chandelle à ce pigeon que j'ai côtoyé un instant lors de ma promenade dans le jardin des Tuileries, ce pigeon qui m'a renvoyé dans mes retranchements et qui m'a permis de faire mon autocritique. A travers lui j'ai pu mesurer l'avancée civilisationnelle de l'autre. A travers lui j'ai encore mieux compris la Science de la Balance de Geber et pris la décision de relire ce livre magnifique de Farid Dîn Attar sur le Langage des oiseaux.

En disant cela je sais que je ne vais pas me faire que des amis parmi "les miens ".

En disant cela J'ai plutôt choisi la Vérité comme amie intime.

Désormais seule la Vérité me sert de guide même si comme Democrite je sais qu'elle réside au fond du puits.

M.E.K