L'Amour comme vecteur de l'éthique et de l'esthétique

24/03/2021

Après que Socrate ait fait de l'Amour la source même de toute élévation intellectuelle et morale. Après qu'il ait fait de l'Amour un catalyseur qui conduit à la connaissance une fois franchies bien sûr les étapes intermédiaires, celles de la conscience et de la science. Après qu'il nous ait gratifié d'une vie exemplaire dédiée à l'écoute, puis à la réflexion et enfin à la compréhension de son milieu ambiant, une vie qui traduit en acte le concept même de l'éthique et de l'esthétique de l'âme qui a occulté la dimension corporelle que son entourage proche qualifiait de laide. Après qu'il ait offert sa vie en sacrifice pour montrer aux générations futures que la vraie liberté s'acquiert par le vrai Jihad, celui qui consiste à la possession de soi, ce Jihad qui l'a conduit par la suite à boire de la Ciguë, ce poison officiel que les les Athéniens offeraient aux condamnés à mort. Après qu'il nous ait montré que la méthode de la maieutique est l'arme fatale dont il faut user pour mettre à mal les sophistes et les ignorants. Après qu'il ait assurer sa pérennité non pas par la procréation biologique mais plutôt par la création des Esprits brillants tel celui de son disciple Platon à qui il a transmis non seulement son savoir mais aussi sa connaissance. Ce même disciple qui par sa loyauté et par son respect à son Maître qui nous a gratifié par la suite de sa cosmogonie qui fait du monde sensible la manifestation du monde intelligible. Après tout celà voilà Socrate qui nous invite à nouveau à venir nous alimenter à ses côtés lors de ce Banquet qu'a offert le poète Agathon à l'occasion de son premier prix obtenu lors de ce concours de poésie. Banquet dit de Platon où la nourriture et la boisson se sont fait rares pour laisser place à la nourriture spirituelle que traduit l'expression de l'intelligence de ses convives qui allaient disserter sur le thème de l'Eros, cet Amour que chacun des sept convives va décliner à sa manière montrant ainsi la richesse de la pensée antique. Un tel Amour va être scruté sous toutes les formes allant de l'Amour de la chaire à l'Amour Agapè, celui du divin tout en passant par l'Amour philia celui de l'amitié entre deux êtres.

Phèdre qui est l'un de ces convives présents a ce dîner va nous proposer sa vision d'un Amour Eros qui va transcender le monde sensible caractérisé par sa corruption et par son changement pour aller habiter un autre monde, celui des plus hautes sphères de la connaissance, celui que Pythagore, Xénophane, Parménide et Zénon appellent l'Un.

Phèdre décrit cet Amour Eros comme une divinité unique qui n'a pas été engendrée, qui n'a ni mère ni père, une divinité qui se trouve être le bienfaiteur par excellence de l'humanité, une divinité qui gouverne même notre conduite.

Pour ce philosophe, ni la parenté, ni les honneurs, ni les richesses ne peuvent avoir les potentialités que peut nous offrir l'Amour en termes de Vertu et d'honnêteté.

Ainsi pour ce philosophe, seul l'Amour possède cette puissance susceptible de conduire l'homme de son identité relative à son Identité Absolue qui se trouve être son Archétype même qui gouverne dans le royaume du monde des Idées.

Pour ce philosophe de l'éthique et de l'esthétique, ni le pouvoir étatique, ni la la sagesse humaine ne peuvent avoir le pouvoir de l'Amour qui là ui seul détient tous les secrets et tous les mystères qui sont derrière l'émulation à faire le Bien et le Beau.

En faisant de l'Amour Eros un dieu et un principe premier, Phèdre a fait le nécessaire pour éviter aux religions monothéistes de tomber dans des travers en identifiant ce principe métaphysique à un dieu sadique et vengeur.

Certes, la Vertu demeure l'objet des religions sauf que leurs approches d'un tel sujet obéit malheureusement à une absence de méthodologie où l'Amour demeure aux abonnés absents. Aujourd'hui, l'homme de foi craint dieu plus qu'il ne l'aime lorsque jadis le philosophe l'appréhendait uniquement à travers le prisme de l'Amour.

Il est à regretter de constater que dans le monde musulman, la Religion tarde toujours à être appréhendée par le prisme de l'Amour à l'instar de ce que propose l'hermeneutique de ce hadith Qodsi qui cite ces paroles qui émanent du divin qui dit :

"J'étais un Trésor Caché et J'ai Aimé Créer les créatures pour que Je Sois Connu"

Ainsi, ce hadith semble nous dire que la connaissance est le but ultime de l'Amour, idée qui rejoint totalement la théorie de la connaissance de Socrate dont j'ai parlé ci-dessus.

C'est justement cette thèse que propose le texte coranique, ce texte dont le premier verset commence par l'injonction "IKRAE Bismi Rabbik", injonction qui invite l'homme à Lire "au Nom de son Seigneur " afin d'atteindre par les voies du savoir, de la méditation sur l'univers et de l'introspection, la Vérité que constitue la Gnose inscrite en lui, Gnose qui ne demande qu'à être révélée une seconde fois comme le suggère la maxime Socratique qui dit : " Connais-toi toi-même et et tu connaitras les Dieux et l'univers ".

Si l'Amour crée la connaissance dans un sens allant du haut vers le bas, du ciel vers la terre dans un mouvement de procession, la réciproque quant à elle reste vraie puisque seule la connaissance est le vecteur ultime qui mène de la terre au ciel dans un mouvement de conversion fermant ainsi cette boucle qui nous renvoie à la pensée hermétique qui dit que "ce qui est en bas est comme ce qui en haut ". Ainsi une telle correspondance entre ciel et terre confirme le choix fait par le divin pour accorder à l'homme la responsabilité de veiller sur la création, responsabilité que le texte coranique évoque dans ce verset qui dit que :" Nous avons proposé le dépôt aux cieux , à la terre et aux montagnes, ils ont tous décliné l'offre et nous avons été cléments envers eux. Alors que l'homme a honoré cette offre en faisant preuve d'gnorance et d'injuste ".

C'est par cette connaissance inscrite en chacun de nous, connaissance nommée" la Religion de Droiture" par le Coran , que nous pouvons parler du concept de "l'homme créé à l'image de Dieu" , homme qui toujours d'après ce texte coranique a reçu "le Souffle divin " qui n'est autre chose que ce qu' Anaxagore appelle le "Noùs" ou 'Esprit et qu' Aristote nomme " L'Intellect Agent " , Intellect qui se trouve être une de nos composantes ontologiques selon Heidegger.

En guise de conclusion, je dirai que je partage parfaitement les idées de Phèdre à propos de l'Amour que l'homme continue à négliger la portée dans son éventuelle velléité à se perfectionner sur le plan intellectuel et moral. Comme lui, je pense qu' Aucun État au monde ni aucun individu n'est susceptible de nous faire toucher la dimension de l'Amour au sens Agapè du terme. Seul le travail que nous menons sur nous-mêmes a cette puissance de nous faire toucher de près ce mystère que cache l'Amour Eros que Phèdre considère comme le principe premier qui crée en nous l'émulation à faire le Bien et le Beau.