L'Education comme voie de perfectionnement intellectuel et moral

24/03/2021

Je suis né au fin fond du Rif dans des conditions indescriptibles au lendemain de "l'indépendance "du Maroc, de parents complètement illettrés et dans un lieu hostile à la vie, loin de toute " civilisation "

La vie a fait qu'on quitte cette région pour aller nous installer au sud marocain où j'ai pu avoir cette grande chance de rentrer à l'école.

Aujourd'hui lorsque je fais appel à ma mémoire pour mesurer le chemin parcouru, j'ai du mal à comprendre comment j'ai pu faire pour défier toutes les lois de la probabilité, des lois qui faisaient de moi cette pierre brute condamnée à le rester à jamais, des lois qui m'interdisaient toute possibilité d'elévation sociale et intellectuelle.

Cet exil de l'hostilité de la terre natale, celle du Nord vers la clémence de la terre du Sud était pour moi une sorte de voyage initiatique qui appellait cette Pierre brute que j'étais à subir des transmutations successives afin de perdre ses aspérités et devenir in fine une Pierre taillée prête à s'insérer dans l'édifice d'une humanité au vrai sens du terme.

Car comment peut-on accéder à nôtre humanité en continuant à partager dans la précarité que constitue l'ignorance?

Ainsi, j'ai été admis auprès d'une autre Matrice, l'école qui m'a ouvert ses bras et qui m'a accueilli en son sein me promettant mondes et merveilles par l'accession à un monde meilleur, celui où je vais enfin muer tel un serpent et m'extraire de la destinée qui m'avait été promise si j'étais resté stagnant comme cette eau qui a perdu toute potentialité de se mouvoir .

Oui, je peux dire maintenant et avec le recul que l'école m'a ouvert ses portes et qu'elle m'a serré dans ses bras pour me communiquer ses mystères qui résident dans l'Amour, dans la conscience, dans la science et enfin dans la connaissance.

Je pense que vous avez compris pourquoi une telle introduction qui n'est en réalité qu'un prétexte pour arriver au vive du sujet à savoir l'école avec toutes les vertus qu'elle comporte. Ce n'est donc en aucun cas une tentative de ma part pour exhiber l'intimité de mon passé qui a mon sens nécessiterait des pages entières que mon être pudique comme il est n'oserait en aucun cas noircir.

Oui, comme vous l'aurez bien compris, les mots clés de ce texte résident dans ce que j'ai nommé Amour, Vertu, Science et Connaissance, quaternaire qui a lui tout seul résume la théorie de la connaissance que prône le philosophe Platon, quaternaire qui devrait figurer sur le fronton de toute école qui se respecte et qui vise à former des hommes et des femmes dignes de ce nom.

Comme je l'ai écrit dans le thème précédent, l'Amour est le socle de toute élévation intellectuelle et morale nous disent Platon et son maître Socrate. Ce dernier nous enseigne que l'Amour se trouve être l'intermédiaire entre le monde sensible et le monde intelligible. Il se trouve même être le moteur par excellence qui permet à l'homme de s'élever des opinions que lui procure le monde physique vers le monde des idées qui se trouve la finalité de toute Éducation qui se respecte.

Rien ne peut se concevoir sans l'Amour nous martèlent ces deux philosophes qui nous incitent à commencer d'abord par aimer notre propre corps, ensuite celui des autres avant d'aspirer à aimer sa propre âme et ensuite celle des autres pour s'ouvrir enfin la porte qui mène à l'intelligible sous ses deux formes à savoir la science discursive et la science intuitive qui elle a pour finalité de nous conduire à la connaissance et à la Vérité.

Une fois que nous nous sommes saisis de l'Amour qui reste un instint propre à tout un chacun, un amour que nous aurions expérimenté sur le monde sensible, Platon nous invite à passer à l'étape suivante celle qui consiste à accéder à nôtre propre âme qui nous confère des valeurs immatérielles cette fois ci, des valeurs qui ont attrait à la Vertu et ce par notre prise de conscience de nôtre propre libre arbitre, de nôtre propre dignité, bref de toutes les composantes ontologiques de notre propre être qui a cette potentialité de nous conférer ce statut d'un etre humain. Sans cette prise de conscience de l'être qui nous fonde en tant que tel, toute velléité de quérir la science et la connaissance sera vouer à un échec cuisant par l'effet de la rupture et de la discontinuité au niveau de la chaîne de transmission.

Ce n'est qu'une fois que ce socle formé par l'accès à l'Amour et à nôtre propre conscience qu'il devient envisageable d'acquérir toute science dite profane ou sacrée. Sciences qui ont pour objet de nous ouvrir par la suite le vaste champ de la spéculation dans le domaine de la gnose et de la connaissance de l'intelligible.

Du coup, la maxime de Rabelais qui stipule que "Science sans conscience n'est que ruine de l'âme " trouve ici toute sa place et surtout sa source dans la philosophie de Socrate et de Platon. Une telle maxime nous explicite clairement que la conscience est un réel préalable à toute science dont la finalité réside bien sûr dans l'accès à l'ultime connaissance.

Aujourd'hui et avec une certaine expérience et surtout avec un certain recul, je mesure parfaitement les raisons qui ont fait de nos sociétés arabo-musulmanes des sociétés inertes en termes de créativités techniques et technologiques.

En analysant de près nôtre système éducatif actuel, je constate qu'il est totalement incohérent de par sa discontinuité qui le caractérise et de par l'absence du socle qui devrait constituer sa rampe de lancement.

Ainsi, tout est fait dans nos écoles et dans notre société pour occulter la dimension de l'Amour, dimension qui s'avère être la clé de voûte de l'Edifice que constitue l'Education.

On ne va pas à l'école par Amour de la connaissance mais par obligation sous une pression familiale sans précédent. Ne parlons pas de l'école privée où la volonté affichée par les parents est entièrement corrélée à l'argent et à la réussite coûte que coûte.

D'autres parts, il suffit de regarder autour de soi pour comprendre que mêmes nôtre propre corps est devenu un tabou, un corps qu'on essaye d'occulter, de cacher de plus en plus à soi et aux autres. Une telle attitude ne fait qu'aggraver notre incompréhension du sens de l'amour qu'il soit Eros comme amour du charnel, qu'il soit Phylia comme amour amitié ou qu'il soit Agapè comme amour du divin.

De même, on s'aperçoit jour après jour que tout est fait dans nos écoles pour occulter la notion de la conscience sans laquelle toute approche de la science devient caduque. Nous sommes ainsi devant une école qui prône la récitation par coeur des leçons au détriment du développement de la curiosité, du doute, de la synthèse et du sens de la critique, tuant ainsi dans l'embryon toute dimension de l'Amour et toute velléité à l'exercice du libre arbitre qui est un vecteur essentiel à l'approche de son propre étant et de son propre être que nous nommons communément la conscience.

Alors dans de telles conditions comment peut-on espérer accéder à la science et à toutes les vertus dont elle est porteuse? C'est en cela que le philosophe Rabelais nous a légué sa fameuse maxime qui dit que "Science sans Conscience n'est que ruine de l'âme ".

Oui notre école participe en quelques sortes à la ruine de l'âme car même si elle arrive parfois à "réussir" à ouvrir à certains de ses étudiants la porte des grandes écoles, des facultés de médecine et de pharmacie, elle ne le fait en réalité que sur le plan de l'appât du gain matériel négligeant ainsi sa vraie mission qui est celle de former des individus pour devenir de vrais citoyens maîtres de leur être profond et prêts à servir l'humanité.

Une telle école se trouve donc en opposition de phase avec la philosophie que prônent les deux philosophes Socrate et Platon. Une telle école ne peut donc se venter servir l'Education car elle reste une école transversale qui rompe tel un serpent sur son ventre faisant ainsi l'apologie de l'opinion au détriment de l'idée. Une telle école qui ne peut donc pas promouvoir la verticalité que lui confère l'éthique restera à jamais une école qui privera l'homme de sa vraie moitié et par conséquent de son unité.

Pour conclure, je dirai merci à mes parents qui par leur union sentimentale ont pu engendrer cet être androgyne que je suis et qui m'ont permis d'embrasser cette nouvelle Matrice qui est l'Ecole, cette institution qui m'a permis de gravir l'échelle que nous procure la théorie de la connaissance que nous propose ici Platon.

Ainsi tel dionysos, j'ai été enfanté deux fois, une fois par la matrice parentale et l'autre fois par la matrice de l'école qui m'a permis d'acquérir avec le temps l'outillage nécessaire pour commencer le grand oeuvre, celui qui consiste en premier lieu à me déconstruire en largant plusieurs couches de sédiments et donc d'inertie, sédiments constitués par un syncrétisme de dogmes, de superstitions et de certitudes qui se sont avérées avec le temps être des chimères, pour enfin pouvoir me remettre sur la voie de la reconstruction, armé comme je le suis devenu par ce socle ô combien important, socle constitué d'un alliage d'une autre nature, alliage fait d'Amour et de Conscience.

Tant que notre école prônera le quantitatif et persistera à surfer sur le superficiel, tant qu'elle fera l'apologie du "règne de la quantité" cher à René Guénon, elle continuera à produire ses dégâts qui sont devenus aujourd'hui incommensurables impactant ainsi une société qui était déjà par le passé appauvrie sur le plan de l'éthique et de la morale.

Seule les voies du doute et de la maïeutique Socratique me semblent être les voies véritables susceptibles de conférer à nôtre société le salut adéquat, une société qui persiste à naviguer sur les voies troubles de l'ignorance et du dogme religieux qui ont fini par occulter et obstruer toute voie d'accès à la conscience de l'être et par conséquent à l'ultime connaissance.