L'harmonie comme finalité de toutes choses

24/03/2021

Jadis, le philosophe Héraclite a développé le concept de la conjonction des opposés, concept selon lequel toute dualité peut trouver sa concorde dans l'unicité appelée connue en arabe sous le nom d'Al wahidiyya.

Ainsi, non seulement l'harmonie unifie les opposés mais fini même par les aplanir et les éradiquer.

Dualité et opposition pour les uns à l'instar d'Héraclite et de Carl Gustave Young, binaire comme source de l'unité -nommée en arabe Al Ahadiyya - pour les autres à l'instar de la tradition coranique qui définit Dieu comme "le Premier et le Dernier, l'Apparent et le Caché".

Depuis Pythagore, nous savons que la Dyade est caractérise le monde du multiple qui est le propre du monde manifesté celui de la physique, alors que la Monade est quant à elle caractérise le monde non manifesté, celui de la métaphysique que ce philosophe appelait le monde de l'Un.

L'homme pour cheminer vers l'unicité est amené à emprunter ce boulevard que délimitent les bornes de cet intervalle que constituent les opposés. Sa vraie quête consiste en réalité à optimiser et de manière récurrente l'amplitude d'un tel intervalle afin de converger vers ce petit sentier que le Coran nomme " Assirat Al Moustaquim", celui de la rectitude morale. Comme vous l'aurez compris, ce sentier droit n'est en aucun cas semblable à l'idée que nous faisons de la droite réelle dont nous parle la géométrie. Une telle voie s'apparenterait plutôt à celle dont nous parle le Coran en évoquant la " Milat Ibrahim ", c'est voie qu'à emprunté ce prophète, une voie sinueuse qui ne cesse de rétrécir par des rectifications successives.

Une telle voie se présente donc comme la voie du ternaire, celle de la conjonction des opposés, celle de l'unicité de la dualité, celle qui mène à la concorde et à l'harmonie.

Autrement dit, l'homme qui cherche à construire son propre temple intérieur ne peut en aucun cas déroger à cette voie de prédilection, celle de la conciliation des contraires, celle de l'harmonie et de la concorde qui émane de la réunification de tout ce qui est épars en lui.

Ainsi, sans la réalisation de l'unicité qui s'impose à lui dans le monde physique , l'homme ne peut aspirer ni à tisser des liens avec ceux qui l'entourent ni à s'élever à la hauteur de l'Etre métaphysique qu'il prône ni même à faire partie de l'Un dont parle Spinoza.

Une telle dialectique résume à elle seule la quête que l'homme doit entamer pour cheminer du "moi" vers le "soi", du "soi" vers le monde manifesté et enfin du monde manifesté vers le monde métaphysique dont l'étymologie même nous renvoie à ce monde qui existe derrière le monde physique.

La dialectique dont je parle ici exclut donc toute velléité à vouloir appréhender le monde non manifesté sans une connaissance approfondie du monde sensible qui se trouve notre habitacle quotidien. Autrement dit, comment peut-on oser espérer atteindre le monde irrationnel alors qu'on méconnaît totalement les tenants et les aboutissants du monde rationnel. Une telle démarche me semble de plus en plus absurde à concevoir, y adhérer relèverait du pur Sophisme de l'école de Gorgias et de Protagoras.

En toute sincérité, je pense que les travers dont lesquels nous vivons aujourd'hui relèvent justement de notre velléité à vouloir connaître les mystères de " l'au- delà " sans même connaître ceux d'ici bas.

Il suffit pour cela de voir ce qui se passe dans les pays où règne le dogme religieux pour comprendre l'idée que j'essaye de développer.

Dans de tels pays où malheureusement les "croyants " qui n'ont pas eu ce droit d'accèder à l'éducation, au libre arbitre et à l'esprit critique se croient tous investis d'un Esprit Saint et transcendant qui leurs confère cette connaissance métaphysique et leurs donne cet excès de zèle qui va jusqu'à vous donner leurs points de vues sur des sujets scientifiques pointilleux et de vous expliquer même des Lois de la Nature qui nécessitent un degré de savoir insoupconnable.

C'est cette catégorie de gens dont je veux parler qui passe son temps à réaliser par le Saint Esprit des sautsauts susceptibles d'engamber le vaste champ de la physique pour spéculer dans le domaine de la métaphysique.

C'est cette catégorie de gens qui défient toutes les règles pédagogiques qui ont bercé notre vie scolaire et qui sont capables d'enseigner aux élèves de CM1 les nombres irrationnels avant même d'introduire dans l'ordre les nombres entiers, les nombres décimaux et enfin les nombres rationnels.

Une telle démarche reviendrait à spéculer sur l'idée de l'intemporel avant même d'avoir des notions précises sur ce qui relève du temporel. Vous en conviendrez bien de qualifier d'absurde une telle qui en dit long sur l'ampleur de l'ignorance qui frappe cette catégorie d'humains.

C'es la manipulation d'outillages rationnels qui nous ouvre le champ à la perception de ce qui relève de l'irrationnel. C'est grâce à la géométrie et par la mesure du périmètre d'un cercle que nous prenons conscience de ce qu 'est ce nombre irrationnel et transcendant que représente le nombre pi.

C'est grâce à l'algèbre que nous arrivons à comprendre pourquoi la racine carrée du nombre deux ne peut en aucun cas être un nombre rationnel.

C'est grâce à la suite de Fibonacci, cette suite constituée par des nombres entiers dont chacun se trouve la somme des deux précédents que nous avons compris que le rapport rationnel de deux termes consécutifs trouve sa limite à l'infini dans ce nombre phi, nombre dit irrationnel appelé aussi nombre d'or, nombre qui donne à toute chose son être harmonie.

L'esprit pointilleux qui scrute de près les choses s'apercevra bien qu'une telle suite trouve sa cause efficiente dans le nombre "un" qui symbolise l'unicité, et sa cause finale dans ce nombre phi qui est le nombre de l'harmonie par excellence, nombre irrationnel qui se trouve derrière l'éthique et l'esthétique que constitue ce bel édifice que représente pour nous le Cosmos. Cosmos qui dont l'étymologie nous renvoie d'ailleurs à l'idée de l'ordre cher au philosophe Pythagore.

Ainsi et par analogie, l'homme qui aspire à une quelconque élévation intellectuelle et morale doit d'abord commencer par faire les efforts intellectuels qui s'imposent afin de connaître les lois qui sont à la base de l'ordre du cosmos, lois qui d'ailleurs exigent une rigueur rationnelle à tout épreuve, avant même de se préoccuper des choses qui le transcendent et qui demandent une connaissance d'un ordre supra-rationelle.

Concevoir la métaphysique comme limite supérieure de la physique c'est la démarche même qu'à entrepris Aristote, ce philosophe qui considérait la métaphysique comme un lieu commun cause finale de tous les lieux propres que constituent tous les êtres formant la Nature.

L'exemple que nous offre la mathématique au travers de la suite de Fibonacci revêt un caractère allégorique dont il faut scruter le sens ésotérique qui se cache derrière une formulation purement exotérique.

Ainsi, nous pouvons considérer que le nombre "un" qui est le premier terme de cette suite comme une sorte de démiurge qui s'est accaparé l'unicité à défaut d'accéder à l'unité, pour en faire sa cause efficiente, de même que nous pouvons considérer que le nombre phi, ce nombre irrationnel qui est la source même de l'harmonie comme cause finale, comme l'unité (Al Ahadiyya ) où l'unicité (Al Wahidiyya) va se jeter tel un affluent qui rejoint son confluent.

On peut même pousser la spéculation plus loin pour voir dans cette suite l'unicité que symbolise le nombre "un", une unicité qui nous rappelle Orphée qui descend dans les Enfers de l'Hadès à la recherche de sa Bien-aimée Eurydice qui n'est autre chose que l'Unité (Al Ahadiyya ).

Dans ce voyage initiatique qui nous mène de l'unicité retrouvée à l'Unité recherchée qui constitue même ce que nous appelons la Vérité ou la Parole Primordiale que nous avons perdu, sommes nous armés pour assumer notre Devoir et rien que le Devoir ?

Sommes nous armés pour relever le défi que nous impose la maxime de Taciturne qui dit qu' " il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer "

Sommes nous capable de nous sacrifier telle cette suite qui ne cesse de se renouveler jusqu'à ce qu'à ce qu'elle puisse s'abreuver à la source de la Mémoire que symbolise ce nombre d'Or? Ou bien allons nous finir par baisser les bras tel Orphée qui n'avait pas eu le courage nécessaire pour affronter jusqu'au bout l'Enfer de l'Hadès et qui a fini par abandonner sa Bien-aimée ?

Cheminer sur la voie de l'harmonie, c'est osciller tout en gardant le cap qu'on s'est fixé, c'est accepter de se soumettre au paradoxe d'Achille qui nous enseigne que la flèche peut faiblir avant d'atteindre sa cible.

Cheminer sur la voie de la rectitude morale , c'est prendre conscience qu'à force de nous scinder en morceaux, nous arriverons inéluctablement par atteindre ce point de non retour, ce point où il nous serait très difficile de trouver ce point d'infléxion susceptible de changer la courbure de notre vie. Une fois atteint ce point de non retour, notre unicité se trouverait compromise comme nous le montre si bien le paradoxe de dichotomie de Zénon d'Elée.

Atteindre ce point de non retour, c'est voir s'éloigner la possibilité de nous rectifier et par conséquent perdre à jamais la possibilité d'atteindre cette pierre philosophale enfouie en nous sous forme de dépôt et de connaissance.

"La puissance du Bien s'est réfugiée dans la nature du Beau " nous dit Platon pour nous signifier encore une fois de plus que la sagesse divine se trouve immanente à toute beauté, sagesse que Pythagore confère d'ailleurs à la puissance des nombres et à leurs proportions qui sont derrière l"harmonie du Cosmos.

La dialectique qui consiste à cheminer de ce nombre "un" à ce nombre d'or constitue exactement pour tout un chacun la quête qui doit le conduire de son identité relative qu'il a le devoir d'assumer, identité relative qui symbolise nôtre propre singularité et nôtre propre unicité, vers notre Identité Absolue et Universelle que symbolise l'harmonie de l'Unité source où doivent venir s'abreuver et trouver la concorde toutes les différentes singularités.

En guise de conclusion, je dirai tout simplement que l'homme avant de prétendre rentrer en contact avec le divin, il doit d'abord rentrer en contact avec lui même et tisser ce lien reflexif entre le " moi" et le" soi" pour ensuite tisser un lien entre le "soi" et les êtres qui peuplent la Nature que les philosophes antiques appelaient Physis. Une telle démarche s'avère plus que nécessaire dans la prise de conscience du concept de l'être, prise de conscience qui lui ouvrira par la suite le champ de la science où il appliquera le génie de son intellect Ilyque et pouvoir ainsi se familiariser avec tout ce qui relève du rationnel. Ainsi en usant des deux clés que sont la raison et l'intuition, il lui devient possible d'ouvrir ce coffre où se cachent les mystères de la connaissance que seul détient l'Etre métaphysique.